Le tramadol seul (Topalgic®, Contramal®…) ou en association avec le paracétamol (Ixprim®) est l'antalgique opioïde le plus consommé en France. Depuis plusieurs années, le réseau des centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance-addictovigilance (CEIP-A) observe une augmentation des signalements d’abus et de dépendance avec le tramadol.
Effets potentiels d’abus et de dépendance
Le tramadol est un antalgique de pallier 2. Il s’agit d’un agoniste faible des récepteurs opioïdes μ et d’un inhibiteur de la recapture de la noradrénaline et sérotonine. Un des métabolites (O-desméthyl-tramadol), produit de dégradation du tramadol réalisé par le cytochrome CYP2D6, est un agoniste opioïde plus puissant que la molécule mère et a également des effets sérotoninergiques et noradrénergiques. Ses caractéristiques pharmacodynamiques atypiques, couplées à une grande variabilité́ individuelle du cytochrome CYP2D6, expliquent son potentiel d’abus et de dépendance (4).
Une augmentation du mésusage
Ce dérivé morphinique est le premier antalgique responsable de décès selon l’enquête DTA (1) de 2021. En outre, selon l’OSIAP (2) c’est la seconde molécule le plus souvent retrouvée sur des ordonnances falsifiées (Cf figure 1).
Profils des usagers problématiques
Plusieurs types de populations sont concernés par un usage problématique :
• les usagers de tramadol pour le traitement des migraines/céphalées pouvant conduire à des céphalées quotidiennes chroniques ;
• les personnes dépendantes avec des signes survenant lors du sevrage et dans l’impossibilité d’arrêter leur traitement ;
• les personnes qui en consomment des doses élevées : des crises convulsives et même des décès ont été observés parmi les sujets abuseurs ;
• les sportifs utilisant le tramadol dans le cadre de conduites dopantes (3).
Nouvelle mesure pour limiter le mésusage
Pour compléter la mesure prise par l'ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament) en 2020 concernant la limitation de la durée maximale de prescription (5) (6), des boites de 10 ou 15 unités sont désormais disponibles pour favoriser les traitements de courte durée pour la prise en charge de douleurs aigues.
Ces petits conditionnements permettront de :
délivrer le nombre d’unités pharmaceutiques correspondant à la durée d’une prise en charge la plus courte possible,
limiter le stockage de comprimés/gélules excédentaires dans les pharmacies familiales,
adapter la quantité délivrée pour les prescriptions libellées « si besoin »,
pouvoir ne pas délivrer toute la quantité prescrite en une seule fois (7).
Pour aller plus loin sur les risques d'addiction au Tramadol :
Bibliographie :
(1) Addictovigilance. Résultats DTA année 2021. Disponible sur : https://ansm.sante.fr/uploads/2023/05/17/20230517-addictovigilance-plaquette-dta-2021.pdf
(2) Addictovigilance. Résultats OSIAP année 2022. Disponible sur : https://addictovigilance.fr/wp-content/uploads/2024/03/Resultats-nationaux-de-lenquete-OSIAP-2022.pdf
(3) RESPADD. Médicaments antalgiques opioïdes. 2018. https://www.respadd.org/wp-content/uploads/2018/10/Livret-opioides-1.pdf
(4) Addictovigilance. Limitation de la durée de prescription du tramadol : comment en est-on arrivé là ? Avril 2020. https://addictovigilance.fr/wp-content/uploads/spip/pdf/bulletin_tramadol.pdf
(5) Bulletin de l’Association des Centres d’Addictovigilance, avril 2000 : Limitation de la durée de prescription du tramadol
(6) ANSM, 2020 : Tramadol : une mesure pour limiter le mésusage en France
(7) ANSM, 2024 : Tramadol : moins de comprimés dans les boites pour un meilleur usage
Article rédigé 15 mai 2024 par Clément Berliet, pharmacien, coordinateur adjoint de la COREADD NA.
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