Lorsqu’un patient décide d’arrêter ou de réduire ses consommations d’alcool, il s’engage souvent dans un parcours inconnu qui est fréquemment décrit comme stressant et semé d’embûches. Sa trajectoire est rarement linéaire et claire. Comment les personnes concernées vivent-elles cette expérience ? Quels sont les leviers et obstacles rencontrés dans leur démarche ?

Une récente enquête de l’Observatoire Français des Drogues et des Tendances addictives (OFDT), publiée en février 2025 et intitulée « Trajectoires d’usages et parcours de soin : regards croisés des professionnels et des usagers d’alcool » (TUPSALCO) donne la parole à 33 personnes ayant cherché de l’aide auprès des différents dispositifs de soins.
Respecter et accompagner le parcours de soin
L’enquête de l’OFDT met en lumière un enjeu essentiel du parcours de soins en addictologie : le respect du choix du patient et de ses objectifs. Si certains visent une abstinence totale, d’autres souhaitent simplement réduire leur consommation ou en reprendre le contrôle. Proposer une trajectoire de soins qui ne correspond pas aux attentes du patient peut générer du découragement, voire le détourner des dispositifs de soins. À l’inverse, une prise en charge qui prend en compte ses motivations et ses capacités du moment permet d’instaurer une relation de confiance, favorisant ainsi une meilleure adhésion au suivi.
« Moi, je voulais juste boire un peu moins, pas arrêter complètement. Mais une fois dans le circuit, on nous pousse souvent à tout stopper d’un coup… C’est difficile. »
Si certains perçoivent les soins comme une aide précieuse, d’autres se sentent en décalage avec les dispositifs existants et leurs offres de soins, notamment en raison d’attentes divergentes. Pourtant, l’expérience montre que chaque passage en soin apporte des apprentissages qui peuvent porter leurs fruits plus tard.
« Sur le coup, j’avais l’impression que rien ne marchait. Et puis, un jour, j’ai réalisé que j’avais déjà tous les outils, il fallait juste que je sois prêt à les utiliser. »
L’entretien motivationnel : un levier essentiel pour accompagner le changement
L’ambivalence est au cœur des parcours et la décision d’engager une démarche de soin peut être fluctuante. Adopter une posture motivationnelle basée sur l’écoute active et la valorisation des motivations du patient peut permettre de renforcer son engagement vers le changement. Basé sur une posture bienveillante et non jugeante, l’entretien motivationnel aide à explorer les bénéfices et les freins à la réduction ou à l’arrêt de la consommation, tout en respectant le rythme et les valeurs du patient.
« Mon médecin ne m’a pas dit d’arrêter tout de suite, il m’a juste aidé à réfléchir à ce que je voulais vraiment… Et ça m’a donné envie d’essayer. »
Le rôle clé des soins premiers dans la fluidification du parcours
L’enquête TUPSALCO souligne l’importance des soins premiers, notamment du médecin généraliste, en tant que premier point de contact pour les personnes en difficulté avec leur consommation d’alcool.
« Mon médecin ne savait pas trop où m’envoyer, alors j’ai cherché tout seul… et j’ai perdu du temps avant de trouver un CSAPA. »
Lorsqu’un professionnel de soins premiers connaît bien les ressources locales et ses spécificités de prise en charge, il peut orienter rapidement vers la structure adaptée aux souhaits du patient facilitant ainsi grandement l’engagement du patient. Une meilleure connaissance des structures du territoire permet d’offrir un accompagnement plus fluide et adapté aux besoins de chaque patient.
Conclusion
Accompagner un patient dans son parcours de soins en addictologie, c’est aussi lui offrir un cadre clair et rassurant. En se familiarisant avec les ressources locales – via des outils comme l’annuaire en ligne Addictoclic ou en échangeant avec un Délégué Santé Prévention (DSP) de la Coreadd – les professionnels de santé peuvent faciliter l’orientation et renforcer la continuité des soins.
De plus, l’entretien motivationnel est un outil précieux pour encourager l’engagement des patients et lever l’ambivalence face au changement. Se former à cette approche permet aux professionnels d’accompagner plus efficacement les personnes concernées, en renforçant leur motivation et en favorisant des décisions éclairées.
Pour approfondir cette méthode et enrichir sa pratique, une formation spécifique est proposée le 8, 9 et 10 avril 2025 à Bordeaux.
Bibliographie :
Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), Se détacher de l’alcool : expériences d’usagers recourant aux soins, Tendances n°167, 2025. Disponible en ligne : https://www.ofdt.fr/sites/ofdt/files/2025-02/tendances-167-tupsalco_1.pdf
Haute Autorité de Santé (HAS) (2024). L’entretien motivationnel – Recommandations pour la pratique clinique. Disponible en ligne : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2024-03/2024_02_15_entretien_motivationnel_1.pdf
Gache P, Cavalli-Euvrard. Guide pratique de l’entretien motivationnel, 20 fiches pour professionnaliser son approche relationnelle. Paris: InterEdition ;2022.
Reynaud, M., Karila, L., Aubin, H.-J., & Benyamina, A. (2010). Les addictions. Elsevier Masson.
COREADD Nouvelle-Aquitaine : Formations et replays sur l’entretien motivationnel et l’addictologie. Disponible en ligne : https://www.coreadd.com/replay

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